Fleurs de l'ombre (les)

Juillet 2011. Sous une chaleur caniculaire, des grappes de personnes débarquent au compte-goutte dans le hall d’un hôtel obsolète. Parmi ceux-ci, on distingue des handicapés de la vue. La majorité de ces aveugles et malvoyants sont des femmes.

Ces arrivées dans le grand hôtel de Brăila, une ville industrielle coincée à l’est de la Roumanie, coïncident avec le début d’une aventure étonnante : le concours annuel de « Miss déficiente visuelle ».

Organisé conjointement par l’association nationale des handicapés visuels de Roumanie et sa branche locale de Brăila, ce concours respecte tous les codes du genre : coiffure et maquillage par des esthéticiennes professionnelles, show dans une salle prestigieuse (le vieux théâtre municipal) avec animateur et musique à gogo, présence d’un jury, présentation élégante par le biais d’une robe de soirée, de talons aiguille, d’un ruban de soie dans lequel est brodé le nom de la ville d’origine, etc.

Comme dans tout concours qui se respecte, toutes les femmes participantes ont été préalablement sélectionnées à travers toute la Roumanie. Chacune d’entre elles représente donc fièrement son association régionale d’handicapés visuels.

Les critères de sélection sont peu nombreux : être âgée entre 18 et 40 ans et atteinte de déficience visuelle. C’est ainsi que se retrouvent côte à côte des femmes tantôt totalement aveugles, tantôt malvoyantes.
Que l’on ne s’y trompe pas, ce concours reste avant tout un événement amateur organisé par des handicapés de la vue pour leur propre communauté. Un simple coup d’œil sur le public présent dans la salle, lors du show, confirme cette idée : il ne s’agit que d’amis et de membres des familles des concurrentes elles-mêmes.

Entre les intentions altruistes et ludiques des organisateurs et la tension inévitable que suscite le concours dans sa forme, les concurrentes vont devoir trouver leurs marques comme elles le peuvent. Elles vont être amenées à gérer tant bien que mal des émotions intenses et cruelles, inhérentes à tout concours : des vas et viens de stress, la joie de la participation, la pesanteur de l’impatience, l’inconfort des doutes...